Aux arts, citoyens !

En mai 68, Jean-Michel Korach a 20 ans et étudie la médecine à Paris. Il habite le Quartier latin, face à l’École des Beaux-Arts. Il vit les rassemblements populaires, photographie les affiches et présente sa collection à l’Office de Tourisme.

Il y a 55 ans, en mai 1968, l’étudiant Châlonnais Jean-Michel Korach habitait rue Mazarine, à l’angle de la rue Jacques Callot où se trouvait le bâtiment d’architecture de l’École des Beaux-Arts. Aux premières loges pour immortaliser en photos argentique les affiches sortant de l’école des Beaux-Arts rebaptisée L’Atelier populaire. Il les a numérisées ensuite, dans leur jus. Entre deux manifestations, assemblées générales et forums de discussion, il utilise son petit Agfa, sauf quand il emprunte le Reflex de son père raconte-t-il. « Mais je ne le prenais pas trop, car la police nous courrait après, je risquais de l’abîmer. » Les groupes d’artistes étaient nombreux à faire des affiches. « À chaque fois, ils travaillaient à deux, un dessinateur avec un rédacteur du texte. » Elles reprennent les revendications politiques, sociales et culturelles. Et luttent contre l’atteinte à la liberté de l’information puisque l’ORTF avait été envahie par la police et l’armée pour que les évènements parisiens ne soient pas diffusés dans toute la France. « ORTF : la police vous parle tous les soirs à 20h. »
10 M de manifestants

Les 350 affiches de l’époque sont conservées à la BNF. Il en revendique deux introuvables, car éphémères. L’une était peinte sur la façade de l’ancienne école de médecine au Carrefour de l’Odéon. L’autre représente le visage de de Gaulle de profil, des larmes d’encre noire coulent de ses yeux formant le mot « adieu ». « La grève étudiante gagne le monde ouvrier, tous veulent le départ du général de Gaulle. Ce fut la plus grande révolte du 20e siècle » se souvient le médecin. Les affiches racontent la grève générale, l’occupation d’usines, la libération de la parole, l’égalité des hommes entre-eux, la déstratification de la population… Jean-Michel Korach a rassemblé 86 affiches avec des anecdotes dans un livre publié à compte d’auteur, qu’il présentera lors de l’exposition, ainsi que des tirages de ses photos en 50 X 76, encadrées ou pas. Histoire de garder un souvenir insolent de ce mouvement qui a débouché sur les accords de Grenelle et des avancées, dont le droit syndical.
– Exposition à l’Office de Tourisme de Châlons jusqu’au 2 juillet.